déroulement d’une hutte
La Sweat-Lodge est un moyen de se purifier, de se soigner en éliminant toutes les toxines accumulées dans le corps. Du point de vue spirituel, c’est un rite qui nous prépare à voir en nous-même et à recevoir les esprits; à nous éclaircir intérieurement de façon à entrer en communion avec la nature et toutes les choses créées, symbolisées autour de nous par les branches de saule, les pierres, l’autel, l’eau et le feu. Ce rite de purification, ou Inipi, se pratique avant chaque cérémonie, que ce soit une Danse du Soleil ou une Quête de Vision, mais aussi avant toute entreprise requérant force et pureté.
Tant que l’on est dehors, c’est bien de rire et de parler, mais quand vient le moment d’entrer, il faut laisser ce que l’on sait à l’extérieur de la porte, sur l’autel: oublier la religion, la politique, ses soucis quotidiens, ses préoccupations immédiates. Lorsque l’on entre, on entre pour se purifier, pour prier humblement pour soi et pour les autres. On peut être facilement distrait par la présence des différentes personnes. A l’intérieur, on doit montrer du respect pour toute la création, y compris pour celui qui est assis à côté de nous. Les ancêtres, les pierres, ne sont pas introduits au centre seulement pour soi ou pour quiconque en particulier, mais pour tout le monde à la fois.
Quand les participants sont assis, on apporte donc les pierres. Elles sont introduites en quatre étapes successives. Quatre fois la porte est ouverte, à quatre reprises la Loge est plongée dans l’obscurité. L’officiant est chargé de verser de l’eau sur les pierres pour élever la température, de diriger le rite et les prières, de contrôler que tout se passe bien pour chacun.
La première porte est pour notre physique, pour nous‑mêmes. Elle correspond au premier cercle qui entoure la structure de la Loge, le cercle inférieur. Cette porte est la conscience de notre corps et de nos sensations physiques.
La seconde porte est pour notre mental (de même le second cercle symbolise le monde mental). Cette étape doit nous permettre de comprendre et d’accepter ce que nous sommes en train de faire.
La troisième porte est pour nos émotions, qui nous ouvrent aux pouvoirs purificateurs. Avec elle, nous réalisons le sens de la prière et son importance pour renaître ensemble. Il fait de plus en plus chaud dans la Sweat Lodge et chacun en ressent les effets dans son corps et dans son mental. Le corps se purifie en éliminant les toxines, et il appartient à chacun de transformer cette énergie dans son esprit pour que le corps supporte la chaleur et que l’on cesse d’y penser. La troisième porte est en général la plus difficile à traverser. Le corps respire mieux, élimine, renaît. Mentalement, nous vivons une nouvelle naissance dans le ventre de la Terre‑Mère. Cette re‑naissance nous bouleverse et suscite en nous des vagues d’émotions.
La quatrième et dernière porte est pour la spiritualité. On prie maintenant avec les quatre composantes de son individualité, le physique, le mental, l’émotionnel et le spirituel, comme un être complet. Cette porte est celle de la compréhension et de la reconnaissance du mystère de la vie. Lorsqu’elle sera ouverte, on sortira en pleine lumière aussi neuf qu’un nouveau-né. Elle est liée au dernier cercle situé au sommet, là où sont enroulées les offrandes de tabac. Vu du dessus, le sommet de la Loge forme une étoile. À la différence de l’étoile de David, celle-ci à huit pointes. Dans ce dessin, il y a autant d’espoir que dans une étoile.
C’est à cet endroit que se tient l’Aigle Spirituel (ou l’Oiseau-Tonnerre (Wakinyan Tanka), de même que les Êtres, Tonnerres, selon la spiritualité sioux, sont en réalité des avatars de Wakan Tanka. Manifesté sous la forme d’un Aigle, il a pour fonction particulière de débarrasser le monde de ses impuretés) qui a recueilli nos prières et dirigé l’énergie venue du ciel, des quatre directions, de toute la création, pour la centrer sur la terre où nous sommes assis. Quand s’achève la quatrième porte et qu’elle est finalement ouverte, toutes nos prières et nos impuretés forment un nuage qui vient envelopper l’Aigle. Celui-ci emporte le nuage haut dans le ciel et le dissipe sur toute la création, annonçant qu’une nouvelle naissance vient d’avoir lieu. Nous sommes nés a nouveau.
En effet, lorsque l’on sort de la Sweat-Lodge, on ressent intensément l’énergie vitale autour de soi et en soi, plus forte, plus fraîche, renouvelée. Tel est le sens du rite de purification. Revenus dans le ventre de notre mère la Terre, nous nous sommes lavés de tous nos excès, réveillant à chaque porte un niveau de compréhension différent pour parvenir à une grande clarté intérieure. C’est pourquoi il faut savoir rester humble et reconnaissant devant cette médecine naturelle, qui met tant d’éléments en action pour nous aider.
Une fois la cérémonie terminée, on laisse le plus souvent la structure de la Sweat-Lodge sur place, et il arrive que les jeunes saules reprennent racine d’eux-mêmes, se mettent à pousser et à bourgeonner enlacés les uns aux autres. Et tandis qu’ils grandissent, les quatre cercles horizontaux éclatent, ouvrant la hutte comme une fleur. On peut aussi laisser la Loge et veiller à ce qu’elle reste telle quelle pour d’autres utilisations. On peut encore la dénouer pour que les arbres reprennent leur position naturelle. A vrai dire, il n’y a pas de règle, tout dépend des raisons qui nous ont amenés à faire cette Sweat-Lodge. Quant aux pierres, on doit les sortir du trou dans lequel elles ont été déposées. On les place autour du foyer qui a servi à les chauffer, le long du chemin qui mène à la hutte et autour de celle-ci. Elles ne doivent jamais servir deux fois, mais « gardent » la Sweat Lodge en témoignage d’un enseignement passé. Elles rappellent que les ancêtres sont là en permanence pour protéger de nouvelles vies, qu’ils sont toujours, éternellement présents.
Le nombre des pierres utilisées au cours d’une Sweat Lodge varie en fonction de la cérémonie à laquelle on se prépare. Si par exemple, on s’apprête a faire une Hamblechia, une Quête de Vision, il est possible de n’employer que six pierres pour chaque porte, symbolisant les six directions : devant, derrière, à droite, à gauche, au‑dessus, au‑dessous. Si par contre on désire faire une Sweat Lodge pour prier avec la Pipe Sacrée, on peut utiliser huit pierres, quatre pour les directions cardinales, quatre pour les vents. On introduit huit pierres à chacune des portes, soit un total de trente-deux. Trente-deux est le nombre des côtes d’un bison, ce qui est en soi une image significative de plus pour notre peuple: nous tenons notre force du bison et de sa manière d’agir.
Par ce qu’il suggère, ce nombre nous aide a réaliser que nous sommes plus forts que nous le croyons. Si l’on veut se purifier en vue d’une guérison, on peut faire venir une soixantaine de pierres, ou bien ouvrir successivement six portes, jusqu’à être vraiment nettoyé de toutes ses impuretés.
Quel que soit le cas, on sort toujours d’une SweatLodge épuisé, mais dans un état de bien-être et de sérénité complet. Après être allé au bout de ses émotions, on se sent apaisé, heureux de partager ce moment avec les autres, en qui on reconnaît la même force. Cela n’a rien à voir avec un sauna ordinaire, au cours duquel on peut aller et venir, ou même prendre une douche. Dans la Sweat-Lodge, on reste jusqu’au bout, tous ensemble. Et si nous sommes dans une disposition vraiment spirituelle, alors nous devenons conscients de la vie qui nous entoure, nous sentons la renaissance s’opérer en nous, en même temps qu’un désir fou de remercier la création tout entière. »
White Bird, Indien par le sang, Américain par la loi. L’itinéraire d’un jeune sioux d’aujourd’hui, éditions Balland 1989
tiré de : Inipi, le chant de la terre
Enseignement oral des indiens Lakota